Ha(ine) & En(durcie) !

« VIVRE, C'EST RISQUER DE MOURIR. »

Philosophie d'une vie mise à profit:

Nom : Enedwaith

Prénom : Hayaste (Haya, la Tenace, ...)

Âge : 17 ans

Civilisation : Tarkin

Entre enfant modèle et esprit révolté !

           
             
             
           
       

« Je vous présente Hayaste Enedwaith, ingénieure de renommée au charme évident.   - Cessons les flatteries, très cher ! Présentez-moi plutôt vos amis ! - Sûrement, ma Dame, voici Sire Porontë, Sire Ingénu ainsi que Dame de la Fervolle. Tous trois contremaîtres et ingénieurs anoblis.   - Quel ravissement de vous rencontrer enfin, j’ai ouï dire que vous aviez… »

SCHBAM !

« Je vous prie de m’excuser, mon …INCAPABLE DE PERE VIENT DE SE SOUVENIR OU IL HABITAIT VRAIMENT ! »

La voix d’Hayaste avait changé ; elle ne dialoguait plus avec son reflet et ses invités imaginaires, mais à son géniteur. Ce dernier venait justement de violemment claquer la porte d'entrée contre le mur fragile de la maisonnette. Il se précipita brusquement dans la salle de bain (du moins dans la pièce qui en portait le nom), la démarche incertaine et l’allure peu flatteuse.

« Encore là à t’pavaner d’vant le miroir ! Sale gosse ! J’t’avais dit de nettoyer l’sol jusqu’à c’qu’il brille ! Et t’sais quoi ? Bah j’me vois pas d’dans encor’ ! s’indigna-t-il, mâchant la moitié de ses mots et gerbant l’autre moitié. »

La jeune fille surplombait son père, du haut de l’escabeau qui lui permettait d’obtenir une vision assez complète d’elle-même dans le miroir haut. Pourtant, malgré son apparente domination, son visage trahissait peur et angoisse. Elle aurait dû se douter qu’il rentrerait bourré comme un coing, et qu’il lui reprocherait de n’avoir fait ce qu’il ne lui avait été demandé. Et quand bien même il lui en avait, en effet, fait la demande, elle n’aurait su trouver le temps nécessaire au ménage de leur chaumière. Elle s’occupait systématiquement de sa sœur et de ses trois frères ; les quelques minutes de repos qui lui avaient été attribuées, elle les avait certes employées à s’évader, s’inventer une vie illusoire et facile. En somme, ce dont avait besoin tout adolescent digne de ce nom.

Desch, indifférent à ses besoins, soufflait comme un buffle. Sa colère était si présente dans son regard qu’elle en effaçait les traces d’ivresse. Du coin de l’œil, elle apercevait son reflet dans le miroir. Une jeune femme trop petite pour son âge, très mince, au visage défiguré tant par des estafilades que par une insatisfaction criante. D’un point de vue extérieur, la situation lui sembla risible. Incompréhensible. Elle s’échinait chaque jour à remplacer sa mère, mais rien de ce qu’elle entreprenait n’était à la hauteur de Desch Enedwaith. Son image lui renvoyait une injustice douloureuse, des efforts vains et un homme assez troublé pour en oublier ce qu’il était.

Il leva un doigt accusateur, quelque peu déstabilisé par le mutisme de sa fille qui ne lésinait pas sur les répliques acerbes et ne refusaient que rarement les joutes verbales –c’était par ailleurs son unique plaisir, la provoquer et lancer une dispute retentissante. Mais en cet instant, elle lui transmettait une lassitude et une rage qu’il n’avait su détecter auparavant, et la situation anormale était trop compliquée à assimiler, considérant la quantité astronomique d'alcool qui circulait dans son sang.

Elle le voyait, parcouru de tremblements, et pour la première fois ressentit une pitié profonde. Par réflexe, cependant, elle recula d’un pas, sacrifiant sa hauteur pour de la distance. Elle se sentit aussi faible qu’une proie, elle qui se voulait prédateur. Sa volonté recula devant le courroux paternel, son reflet lui offrit une pâle image de son courage.

« Ton "incapable de père" bosse tous les jours pour que tu dormes entre quatre murs ! »

Sa détermination vacilla entre deux partis ; le choix était simple. Accepter sa propre lâcheté, arrondir les angles et abonder dans le sens de son père, ou tout simplement se révolter et lui donner satisfaction. Sa fougue fut plus forte que sa prudence, comme toujours. Mais ses mots furent plus aiguisés que jamais ce jour-là.

« Ah ! Quatre murs de bois, pas de pierre ! Quatre murs qui éloignent tous les dangers, sauf le froid, la pauvreté, la puanteur, la maladie, la fatigue et la peine !

- La peine ? La PEINE ? C’moi qui la subit, sale garce ! C’est moi qui ai perdu ma femme, sale égoïste !

- Et c’est moi qui ai perdu une mère ! Et un père par la même occasion ! »

Desch ne l’écoutait plus. Les émotions défilaient sur son visage, comme dans les dessins animés de son enfance. Impact dans cinq, quatre, trois… -VLAN-

Le coup de poing partit sans retenue. Elle mit toute la détermination dont elle était capable à ne pas employer l’Altération. Elle accepta la douleur, se redressa aussi rapidement que la souffrance et son équilibre le lui permettait. Sa joue était cuisante, et sa mâchoire protestait. Elle refoula l’envie de la mouvoir, pour plutôt défier son père du regard.

L’hostilité et la tension montèrent dans cet échange silencieux, mais, pour la première fois depuis près de cinq ans, son père céda le premier. Il tourna les talons, et s’en alla s’écraser sur son lit sans demander son reste. Demain il aurait probablement oublié l’incident, ou tout simplement il ne le mentionnerait guère. Elle ne comptait plus le nombre de fois où ses manquements avaient été passés sous silence.

Hayaste, s'observant, surprit un sourire accroché à ses propres lèvres. La liberté coulait dans ses veines, de même que l’autonomie. Elle se moquait des coups, tant que son esprit lui appartenait, et qu’elle pouvait encore exprimer ses pensées. Elle avait de plus le sentiment d’avoir blessé son père, l’espace d’un instant, et cette cruauté, en un sens, ne lui déplaisait guère. Quelque chose avait changé ; la souffrance demeurait en elle, mais ne pouvait grandir. Son père, en revanche, était similaire à une passoire qu’elle pouvait emplir de douleur quand bon lui semblait sans jamais le faire déborder.

« Haya ? »

La voix, douce et assoupie, la fit sursauter.

« Bah ! Qu’est-ce tu fais là le mioche ? »

Elle avait emprunté un ton enjoué, mêlé à de l’étonnement, et ses efforts auraient porté leur fruit si son petit frère ne lui avait pas posé la question suivante :

« Pourquoi tu saignes ?

- Euh… J'ai... fait une bêtise, lança-t-elle au tac au tac. »

Un rapide coup d’œil au miroir lui apprit qu’un filet de sang s’échappait de sa narine. Du revers de sa manche elle l’essuya, furax. Il aurait pu la frapper plus proprement. Elle se devait de justifier son état à présent, et elle n’était pas très douée en mensonges (en l'endroit de sa fratrie du moins).

« Quelle bêtise ?

- J’ai été ehm… très égoïste, et Morphée, le très méchant démon, punit les égoïstes pour qu'ils deviennent gentils. »

Elle avait jeté un nom au hasard et reprit l’insulte paternelle, mais sa phrase lui fit plus de mal qu’elle ne l’aurait imaginé. Ce qui n’était à la base qu’un conte dissimulant la vérité devint une lame aiguisée heurtant irrémédiablement sa sensibilité, qui ravivait la souffrance toujours présente. On l’appelait la Tenace pour sa résolution illusoire et sa résistance à toute épreuve, mais rien ne prévenait les blessures sentimentales. Dorénavant, toutefois, elle saurait gérer cette tristesse qui ne croissait plus, la contenir dans un espace clos, et l'espace d'une poignée de secondes elle la força à se retrancher dans une partie lointaine de son esprit.

« Allez Kenneth, faut dormir ! s’exclama-t-elle soudain, évitant les explications contraignantes.

- Mais j’ai pas vu papa aujourd’hui !

- Papa dort, Kenny ... »

Elle prit le gamin dans ses bras, l’amena jusqu’à la chambre à coucher de Desch, à pas excessivement silencieux compte tenu de sa sobriété exemplaire.

« Il travaille beaucoup pour notre bien à tous, il faut qu’il dorme, d’accord ? »

Elle ne savait ce qui avait motivé ce mensonge (ni tous les autres qu’elle récitait comme une mélodie chaque jour). En refusant d’influencer son opinion, peut-être espérait-elle offrir au gamin une enfance, loin d’être parfaite certes, mais pour le moins réconfortante et chaleureuse.

L’enfant hocha la tête, et Hayaste ferma la porte sans bruit, avant de mener son frère jusqu’à la chambre où ils s’entassaient tous les cinq. Ses poings se fermèrent aussitôt, sa respiration devint profonde et lente, et la jeune fille se rendit compte qu’elle l’observait depuis maintenant une demi-heure. Elle soupira, rejoignit sa propre couchette et plongea dans un sommeil sans rêve aucun, sans quelconque espoir, sans même une once de folie.

Fin