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 Les yeux rouges

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Maltah Alanther

Maltah Alanther


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Date d'inscription : 28/06/2014

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MessageSujet: Les yeux rouges   Les yeux rouges I_icon_minitimeJeu 3 Juil - 17:58

Les yeux rouges 233203qsxfgeg

Une silhouette se découpe dans la pénombre paisible des arbres jeunes. Ses traits sont difformes, confondus avec les formes inquiétantes qui, une fois la nuit pleine, terrifient. Ni son regard ni son expression ne sont décelables dans la noirceur, mais on devine à sa posture menaçante, ancrée sur quatre pattes, l’observation minutieuse qu’elle entreprend en son endroit. Il aurait pu s’agir d’un loup, ou d’une inoffensive biche, tout comme de ni l’un ni l’autre, qu’en sait-il ?

Il émane pourtant de la forme une bestialité excessive, corroborée par un feulement féroce, vibrant dans l’air comme un courant d’air volatile dont la source est indéfinissable, et pourtant parfaitement connue : l’ombre qui guette.

La silhouette jusqu’alors immobile, tout à coup s’élance. Au même moment l’homme, prétendument caché au pied d’un arbre, accepte son destin, de même que l’idée qu’aux yeux de la bête, il n’est guère caché du tout. Il prend ses jambes à son cou et court comme jamais il n’a couru auparavant. La réflexion n’a plus lieu d’être quand on pousse son propre corps à dépasser ses solides limites.
On a toujours le choix.

Mais dans cette situation, il ne lui reste que deux options, parfaitement indépendantes de sa volonté. Si la silhouette le veut mort, il mourra, si par miracle elle ne lui réserve pas un avenir si tragique, il vivra.

Par chance, son endurance, tout le monde la lui envie. Son souffle ne le trahit pas, régulier malgré sa peur de la faucheuse. Mais un vent incongru, dans une forêt pourtant si dense, gêne sa course, tandis qu’il paraît encourager celle de son prédateur. Les branches se brisent sur son passage, comme pour rendre le sentier plus abordable à l’animal. Plus ses foulées s’allongent, et plus la fuite lui semble impossible. L’échec est certain, et les rafales se font toujours plus violentes et infernales. Le temps d’un battement de paupières, il a l’impression d’être au sommet d’une montagne, l’air sifflant à ses oreilles et balayant son visage de toutes les impuretés. Le vent y est si fort qu’il se sent s’effilocher en son sein, s’évaporer, se dissoudre dans cet élément hostile qui ne souffle pas en sa faveur.

L’animal véloce accourt à sa suite, gagnant inexorablement du terrain, et son haleine dégage déjà des effluves de sang, un parfum d’inhumanité, une odeur de meurtrier. Ou peut-être invente-t-il toutes ces sensations olfactives. Il ne peut vraisemblablement que sentir la sueur froide de l’effroi et la transpiration brûlante de l’effort.

Devant lui il aperçoit une lueur rouge qui reflète un rayon de lune. Il fronce les sourcils pour mieux distinguer son origine. Des yeux, à l’iris si écarlate qu’elle semble cumuler un nombre infini de gouttes de sang, toutes concentrées en un même point ridiculement petit en vue de leur densité. Avant qu’il ne puisse approfondir son analyse, un coup violent sur le crâne le fait trébucher sur un mètre, puis s’écrouler plus loin. Il rejoint les feuilles déjà mortes.

L’homme gémit, redresse la tête dans un ultime geste, pour regarder bravement d’en face la Mort qui vient le prendre.

Elle a la bouche entrouverte, les yeux clos, la tête jetée en arrière, la totalité de son être indique la proximité du crime, l’approche du sang, l’imminence du meurtre. Lorsqu’elle ouvre les yeux, il la défie du regard, et constate que la couleur de ses iris n’a rien de naturel. D’un bond, la forme saute à son cou, et lui lacère le cou de ses griffes. Son dernier souffle emporte avec lui les vestiges de son amour pour la femme avec laquelle il s’est lié.

* * *

Maltah essuya ses lèvres du revers de la main. Elle baignait dans l’odeur infâme du sang, et ses yeux aveugles ne lui permettaient aucunement de déterminer s’il lui en restait sur le visage. Elle était persuadée de l’avoir senti gicler sur son menton et ses lèvres, et le goût lui avait donné des nausées. Mais comment savoir si son visage était à nouveau vierge de toute évidence ? Son odorat ne lui était d’aucune aide, le parfum du sang elle l’avait constamment dans les narines. Les signes visuels, en revanche, elle n’en avait aucun.

Elle se retourna vivement. Ses iris rouges scrutèrent l’entrée de la pièce, mais elle ne distingua qu’un vague mouvement d’air indiquant la fuite d’une tierce personne. Il s'agissait probablement de la petite fille du campement, qui lui rappelait désagréablement sa petite sœur. Quelle fouine ! Se permettre de l’espionner sous prétexte que ses yeux ne savaient reconnaître les contours et les couleurs. La journée n’était qu’un assemblage de nuances gris clair à ses yeux, la nuit un mélange de noirs relativement brillants. Ses cornets ne fonctionnaient plus depuis des lustres, aussi loin que sa mémoire se rappelait du moins. Elle avait mis en place des systèmes pour se faciliter la vie ; des lentilles de contact de couleur vive lui permettaient d’avoir des points de « référence », des tâches grises dont la luminosité ne se modifiait que par l’action de la lumière déclinante. Elle colorait ses cheveux afin d’en voir l’accroissement, et ses tatouages étaient tout autant d’indications sur l’emplacement de ses armes afin de ne pas commettre d’erreur de précision et de cette façon ne pas parvenir à les saisir en cas d’urgence. La minutie était bien connue pour être la vertu de l'assassin.

Il lui était lassant de vivre dans ce monde isolé que personne ne comprenait, mais elle en était venue à ne plus se soucier de la compassion de l’être humain. Elle avait goûté à sa peur, son respect, sa soumission, et préférait de loin son admiration à son empathie. Comme tout Kedakai digne de son sang, elle voulait employer la magie au service de ses ambitions, devenir chaque jour plus puissante, plus révérée. Un jour on lui envierait d’avoir été aveugle car plus clairvoyante que tous. On accepterait l’idée que malgré les contraintes naturelles que lui avait imposé la vie, elle avait su tirer profit de chaque élément de son existence, développer sa persévérance et son ingénierie pour limiter l’impact de son handicap sur sa réussite. Elle avait acquis par de nombreux aspects une sagesse honorable grâce à sa cécité, et sa fierté se résumait à cela. De là à aimer son infirmité, il y avait bien un chemin long de quelques milliards de kilomètres.

***

Maltah - « Narcissa, cesse de chanter ces paroles, tu me glaces le sang. »

Narcissa - « Et si je ne les chante pas, qui les chantera ? »

Maltah - « Personne, c’est le principe. »


Cette petite elle avait craint sa naissance pour ses prédispositions à la cécité, puis une fois sa naissance venue, l’avait haï pour en être dépourvue. Et son père qui s’était remarié par amour plutôt que par ambition, elle le détestait tout autant. Cette famille d’incapables qui choisissaient ou avaient le choix de la facilité, elle ne s’y sentait pas membre à part entière. Et bien qu’elle eût protégé sa sœur par tous les moyens, ne serait-ce que par son honneur immodéré, elle restait une aînée pitoyable à bien des égards.

Une belle-mère sans aura fit son apparition dans le salon, et Maltah jugea soudain qu’elle était de trop dans cette maison. La porte se referma sur elle, ne laissant pour trace qu’un vague courant d’air qui s’estompa bien tôt. Dans les jours qui suivraient, on la renverrait à nouveau à la surface pour y exécuter de nouvelles missions, elle ne verrait plus aucun visage connu des mois durant, et c’était là son seul soulagement.

***

Maltah retint son souffle, puis entra discrètement dans la pièce, tous (ou presque tous) ses sens aux aguets. Doucement, avec la patience du voleur, elle s'assit près du lit, et ferma les yeux. Voir des formes floues à longueur de temps étant plus éprouvant qu'il n'en paraissait. Elle écouta la respiration de Narcissa qui rêvait, et pria silencieusement des divinités inconnues de lui réserver un avenir que par égocentrisme elle ne voulait lui assurer. Si une place de haut rang lui était attribuée, elle n'entraînerait pas sa sœur, qui lui était comme une rivale. Elle était intelligente, mature, rusée, et surtout voyante ; si elle l'introduisait aux plus grands on aurait tôt fait d'oublier sa puissance au profit de celle de sa cadette. Une partie d'elle-même priait qu'on s'occupât d'elle (un Dieu, un parent, quiconque mis à part elle-même), une autre qu'elle ne dût pas s'en occuper, qu'elle pût impunément lui mettre des bâtons dans les roues afin de sauvegarder sa propre ascension sociale. Si elle n'avait été aveugle, elle aurait aimé cette sœur plus qu'elle ne l'aurait enviée, elle aurait marché à ses côtés plutôt que de la repousser un peu plus chaque jour.

Les yeux rouges 396546essaiemodifi1

The End.
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